lundi 26 janvier 2015

#DickOwens – Ou la course au Buzz médiatique



« Tout, tout, tout, vous saurez tout sur le zizi ! Le vrai, le faux, le laid, le beau… ». C’est sur les notes malicieuses de la célèbre chanson de Pierre Perret, qu’aurait pu avoir lieu le dernier défilé homme du créateur Rick Owens ; montrant pour la première fois sur un podium le sexe de plusieurs de ses mannequins. Mise en scène et coupes des vêtements savamment conçus afin de mettre en valeur d’une certaine façon l’objet interdit, les vestes, tuniques longues et autres pièces à manches de la collection hiver 2015 ont affolés depuis deux jours le petit monde de la mode et pas que(ue). Une fois la surprise passée (voir le choc pour certains) doit donc se poser un minimum de réflexion et questionnement sur l’acte en lui même, car après tout un tel parti pris stylistique ne peut que surprendre.
 
© Rick Owens FW15 #dickowens



Le discours officiel du créateur et de son service communication est l’invocation d’une collection inspirée par l’univers monacal, la sobriété, la simplicité ; et par truchement j’en conclu qu’influencé par les ordres Bénédictin ou Cistercien, Rickie (ou Dickie selon) s’est senti le besoin de retirer, sans doute pour plus de véracité, les sous vêtements de ses modèles. Bon, pour la véracité j’entends bien, après clairement même si les rumeurs sur les mœurs douteuses des moines font parfois couler beaucoup d’encre, il serait de notoriété publique si frère Toc et ses comparses se baladaient la nouille à l’air !…

Crédibilité 6/20

Autre option, Dick Owens (et oui il a depuis gagné un éternel surnom), dans une volonté de réflexion sur la nudité masculine et l’égalité des sexes, s’est senti invoqué d’un devoir de mise en avant du « petit joufflu » pour créer un pendant à l’hyper sexualisation du corps féminin dans l’univers de la publicité et de la mode. Peut être. Cependant lorsque l’on pense à certains défilés événements comme celui d’un Hussein Chalayan il y a quelques années de cela, faisant défilé des femmes voilées, leurs corps se dénudant progressivement pour finir totalement nue, le visage juste recouvert d’un masque en métal traditionnel, le créateur d’origine Chypriote pose une vrai réflexion et un vrai regard sur la place de la femme et la réappropriation de son corps dans le monde contemporain et la culture musulmane. Concernant la réflexion de Mr Owens quant à la réappropriation du corps masculin en occident en 2015, j’ai tout de même un grand doute.

Crédibilité 4/20


© Hussein Chalayan

Ensuite comme pour toutes formes de création s’approchant de près ou de loin à un art appliqué nous pouvons nous questionner sur la façon dont cet acte de déshabillage partiel et ciblé peut faire évoluer l’histoire de la mode et du costume et éventuellement nos mœurs sociétales. La encore les artistes plasticiens ont déjà depuis très longtemps travaillés sur perception du corps, de la nudité, du mouvement du corps, par le biais de peinture, vidéo, photographie, performance ou encore de représentation de danse contemporaine ou les corps nus sur scène, exultent et vibrent, muscle après muscle ; et non pas attendus Dicky pour réfléchir sur cela. De plus outre l’esprit créatif d’un défilé, rappelons qu’une collection de prêt-à-porter a pour objectif avant tout de créer des vêtements afin d’habiller le corps et de recouvrir de quelques centimètres (ou plus) de tissus les parties du corps sensible et les protéger d’une certaine façon du monde extérieur. La encore, l’absence remarqué de bas ne peut que souligner le « vide » de cette collection… Et de là à ce qu’il y ai une tendance du « zérokini » ou « zerokiki » ce ne sera sans doute pas pour demain. On notera cependant l’aspect pratique (mais assez inélégant  soyons honnête) du petit trou d’aération, ou d’aisance, qui ravira sans doute une certaine clientèle…

Crédibilité 5/20

© Rick Owens FW15 #dickowens
© Rick Owens FW15 #dickowens

Reste enfin l’aspect communication sur les médias et les réseaux sociaux de cet évènement dans un monde ultra connecté ou les acteurs de l’industrie de la mode se servent plus que de raison de cette arme contemporaine. Créant le buzz à chaque défilé depuis plusieurs saisons par des mises en scènes spectaculaires contrastant entre lumière et obscurité, vide et pleins de l’espace ou encore comme lors de la dernière collection où les mannequins défilaient au son live d’un groupe de hard rock estonien, la tête à l’envers, suspendu dans les airs ; Ou encore, celui qui mettait en scène des danseuses de stepping métissées portées par une chorégraphie magistralement bien orchestrée ! Rick Owens n’a donc rien trouvé de mieux cette fois ci que de dénuder l’entre jambe de ces messieurs. Car au final, deux jours après le show, qui se souvient encore des silhouettes un peu pauvre de cette collection, dans des nuances de beiges et de gris sales ? Personne ou presque ; la foule dans sa grande majorité ne retiendra que quelques gros plans bien cadrés, créant le buzz sur Twitter et Facebook. Outre Grazia, GQ ou encore l’express Style, des magasines plus sérieux tel que Le Monde ou Le Parisien ont dédiés des articles au créateur faisant découvrir la griffe à une foule de néophytes qui n’avait jamais sans doute entendu parlé du travail minimalismo-gothique du créateur francophile.

© Rick Owens FW15 #dickowens
© Rick Owens FW15 #dickowens
© Rick Owens FW15 #dickowens
© Rick Owens FW15 #dickowens

Mais à quel prix ? Car au final tout le monde en a certes parlé, le buzz a fonctionné, mais ce qui en a été dit, n’a pas été la plupart du temps très positif, bien au contraire.
Le défilé traité par les médias comme « surprenant », « anecdotique »… a été risé sur la toile et taxé de ridicule par la grande majorité des internautes ; rappellant se ce fait que le seul fait d’arme de Dick Owens aura été cette saison de faire défiler, au lieu de silhouettes ou de vêtements, des sexes d’homme apparent. Rien dont de très glorieux donc.
Et malheureusement ce type de publicité demeure assez décevante ; car quand on a marqué d’une certaine façon l’histoire de la mode contemporaine comme le fait Rick Owens depuis une dizaine d’années, finir par devoir arriver à de tel extrêmes pour réussir à faire parler de soi est assez pathétique.

Probabilité 16/20

© Rick Owens FW15 #dickowens

Le buzz n’est que du buzz et a des retombées limitées. Celles et ceux qui n’avaient pas entendu parler du créateur auront ils soudainement envie d’acheter des pièces de la marque suite à cela ? J’ai un doute… La vrai clientèle assez intellectuelle de Rick Owens appréciera t-elle ou se reconnaitra t-elle dans ceci ? Peut-être… Les résultats commerciaux …… Ne manque plus qu’une collection future en collaboration avec H& M ou Primark et on sera bien au fond du gouffre infini du maintstream actuel! Seul déception, Rick Owens, en tant que fidèle défendeur de ses créations et de son message stylistique, aurait lui aussi pu venir saluer son public dans l’une de ses tenues phares de la saison !...

A. 

© Rick Owens FW15 #dickowens

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