dimanche 24 novembre 2013

Miss Dior s’expose au Grand Palais – Art ou Publicité ?



Nous le disions il y a peu, les relations entre l’univers de la Mode, de l’Art et du Design s’estompent de plus en plus. Révolution de salon faisant entrer le petit monde de la couture par les grandes portes des institutions culturelles les plus réputées, ou simple retour à un âge d’or artistique ou créateurs et plasticiens collaboraient naturellement ensemble, mettant leurs talents en commun pour célébrer le beau et la modernité au sein de projets incroyable ? La vérité se trouve sans doute quelque part au milieu en ce début de 21ème siècle où la consommation se veut « expérientielle » et la communication « artistique », et où les marques puisent dans leurs archives pour donner un sens à la course effrénée de nouveauté imposée par la logique commerciale. La démarche de la maison Dior de fêter en grand l’anniversaire des 66 ans (si, si ça se fête apparemment) d’existence de l’emblématique jus de la maison de l’avenue Montaigne, à quelques semaines avant la période de Noel, ou la majorité des achats parfum s’effectue, s’inscrit à n’en pas douter dans cette tendance à laquelle les grandes marques n’échappent pas, mais aussi dans une démarche publicitaire, au format XXL, à peine maquillée d’un voile parfumé. Deux semaines d’exposition au cœur du Grand Palais, la présence de pièces d’archives exceptionnelles et la participation de 15 artistes féminines venues du monde entier, l’idée a cependant de quoi nous intriguer, et nous n’avons pas hésiter à affronter le froid hivernal et l’attente (longue) par nous faire notre propre avis !


© Les Garçons aux Foulards - Exposition Miss Dior - Joana Vasconcelos 2013

 Moquette épaisse, lumière chaude et sensation de grandeur sous les hauteurs de la galerie circulaire qui accueille l’événement, marquent l’ambiance dès les premiers pas, nous conduisant à un espace servant d’ « introduction », nous faisant plonger au cœur des souvenirs personnels de Mr Dior avec sa première vie en de galeriste. Peu le savent, mais Christian Dior avant de devenir le symbole du renouveau de la mode française a débuté sa carrière au sein de l’une des galeries d’art les plus réputée de Paris, collaborant avec les artistes du mouvement surréaliste.  Photographies anciennes, recréant le décor, mais aussi originaux des œuvres vendues alors dans la galerie, portrait de Christian Dior croqué par Chagall ou peint par Dubuffet, les preuves montrant les relations étroites que le couturier entretenait avec le monde de l’art ne manquent pas ; les 15 collaborations artistiques réalisées autour du parfum Miss Dior prennent ainsi une toute autre signification.

© Bernard Buffet - Portrait de Christian Dior - 1954 

En parallèle, sont également exposés certains des premiers croquis des collections de Christian Dior juste après la fin de la seconde guerre mondiale ; robes Bach ou encore Mozart, elles éclatent telles des fleurs au cœur d’un sublime jardin d’été. Car c’est bien de fleur qu’il s’agit. Passionné par l’univers des jardins, dont le plus emblématique restera sans doute celui de Granville, Mr Dior n’aura de cesse de vouloir transformer les femmes en bouquets de fleurs. Fleurs délicates, sophistiquées, éclatantes de couleurs, la fameuse ligne Bar inventé à la fin des années 40, n’est finalement que la mise en place d’un vocabulaire stylistique reprenant les codes floraux. Ligne longue et fine telle une tige, couleurs intenses à l’image des pétales de roses tant aimés, volumes de jupe format XL telle une corolle de fleur, la femme retrouve une sophistication poussée à l’extrême et qui sera cristallisé en un jus : Miss Dior.

© Les Garçons aux Foulards - Exposition Miss Dior
© Les Garçons aux Foulards - Exposition Miss Dior
© Les Garçons aux Foulards - Exposition Miss Dior - Robe Bach 1957
© Les Garçons aux Foulards - Exposition Miss Dior
© Les Garçons aux Foulards - Exposition Miss Dior

Mais Miss Dior c’est avant tout un hommage à la sœur du créateur, Catherine, héroïne de la Résistance française et soutien précieux pour Christian Dior qui pourra toujours compter sur elle. Miss Dior c’est aussi le gentil sobriquet que le couturier inventa pour appeler sa nouvelle cliente ; jeune, désinvolte, ayant soif d’avenir et de célébrité. Au fil des photos de modes réalisées par Richard Avedon, des images d’archives des présentations de collection des années 50, des dessins du merveilleux Gruau et de somptueux modèles Haute Couture datant des années 50, se crée la légende Miss Dior. 

© Les Garçons aux Foulards - Exposition Miss Dior
© Les Garçons aux Foulards - Exposition Miss Dior
© Les Garçons aux Foulards - Exposition Miss Dior - Richard Avedon 1955

Mise en scène des plus intéressante, jonglant entre Art contemporain et références aux archives de la maison, justifiant en partie les créations du présent par les références au passé. Dialogue des plus incroyable pouvant se résumer en une silhouette intitulée Miss Dior 1949, sublime robe bustier entièrement rebrodée de fleurs pastels au travail délicat ouvrant l’exposition, et son pendant contemporain issu de la dernière collection de Raf Simons, nouveau designer de la maison, reprenant à l’identique la forme du modèle, ayant remplacé la couleur par le noir, et les fleurs de soies par des pétales de cuir et des perles couleur de jais – époustouflante. Epoustouflante tout comme les modèles de la première collection Haute couture de Raf Simons, portées à l’écran par l’actrice Nathalie Portman, nouvelle égérie du parfum Miss Dior, faisant écho à l’univers cinématographique de la marque et donnant à voir au public ces merveilles de couture à la complexité insoupçonnée.

© Les Garçons aux Foulards - Exposition Miss Dior
© Les Garçons aux Foulards - Exposition Miss Dior
© Les Garçons aux Foulards - Exposition Miss Dior - Dior Haute Couture 2012
Niveau art contemporain, il faut être honnête et admettre que les quinze productions fournies sont inégales. Carte blanche a officiellement était donnée aux artistes de s’exprimer sur ce que pour elles représentait Mis Dior ; et malheureusement, la copie rendue par certaines des ces « élèves » fut décevante. Cependant, au lieu de nous attarder sur le mitigé, concentrons nous plutôt sur le très bon, ou plutôt le très beau. Loin d’une forme de conceptualité trop radicales, les œuvres proposées  sont avant tout esthétiques, à l’image du parfum, mettant en avant ses différentes facettes, ces différentes composantes, à commencer par le travail du verre, du flacon et de la lumière de l’artiste Carole Benzaken jouant sur ces trois matériaux et sur l’idée des transparence et d’obscurité. 

© Les Garçons aux Foulards - Exposition Miss Dior
© Les Garçons aux Foulards - Exposition Miss Dior

Le packaging ensuite, symbolisé durant un moment par le célèbre motif pied de poule, ADN stylistique de la maison, réinventé sans cesse au fil des collections, et mis en exergue par l’artiste Polly Apfelbaum et ses immenses tapis à motifs Houndstooth, reprenant des méthodes de tissage traditionnels d’Oaxaca et les couleurs de la culture mexicaine, comme pour faire un peu, un trait d’union entre deux cultures et entre tradition et modernité.

© Les Garçons aux Foulards - Exposition Miss Dior
© Les Garçons aux Foulards - Exposition Miss Dior

Impossible aussi de passer à coté du célèbre ruban cachetant le flacon de parfum, repris et retravaillé en format XXL par l’artiste portugaise Joana Vasconcelos, sur un support lumineux de couleur rose, reflétant presque à l’infini l’ode magnétique de l’objet. Plus délicat, Hannah Starkey a également repris l’idée de ruban, mais cette fois-ci au cœur même de la peau de celle qui la porte, en un délicat tatouage porté sur la nuque, capturé sur une précieuse photographie.   

© Les Garçons aux Foulards - Exposition Miss Dior
© Les Garçons aux Foulards - Exposition Miss Dior
© Les Garçons aux Foulards - Exposition Miss Dior - Hannah Starkey 2013

Mais s’il est une œuvre qui nous a particulièrement marqué, c’est sans nul doute la vidéo de l’artiste d’origine libanaise Lara Baladi intitulé Don’t touch me Tomatoes et Chachacha. A l’image du titre, la vidéo surprend et fais sourire. Au cœur d’une nuit noir, des centaines de lucioles scintillent, accompagnées de mille références à l’univers du cinéma et du divertissement sur presque un siècle. De Betty Boop à Judy Gardland en passant par des notes musicales de Britney Spears, aux Nuits d’une demoiselle de Colette Renard, le mélange est des plus audacieux et nous a séduit !





Miss Dior, premier parfum créé par Christian Dior en 1947, est un symbole autant qu’un mythe. Perpétuant les liens qui l’unissent depuis toujours à l’Art,  la maison Dior a ainsi décidé de mettre en avant ce parfum légendaire en invitant 15 artistes féminines venues du monde entier à s’en inspirer librement, en s’emparant de ses codes éternels, son flacon et son motif pied-de-poule, son nœud poignard tout comme son égérie actuelle Natalie Portman. Bercées des musiques servant aux publicités de produit, il serait aveugle de ne pas admettre l’enjeu et l’impact commercial que cet exposition pourrait avoir sur l’image du parfum, de la maison, mais aussi de ces ventes en cette veille de fêtes de fin d’année. Opération de séduction et de communication rondement menées, dont nous sommes d’ailleurs nous mêmes les premiers volontaires, attendant gentiment pour avoir l’occasion de vivre également cette expérience par nous même, mais aussi canaux médiatiques ultra connectés, véhiculant les informations ainsi que les nombreuses photos que nous pouvons prendre lors de l’événement sur les différents réseaux sociaux mis à notre disposition… Mais, il serait pourtant dommage de se limiter à cette simple lecture marketing de l’exposition, car même s’il en est en partie la raison, il serait en revanche dommage de passer à coté de certaines de ces œuvres visionnaires, mais aussi les somptueuses archives et pièces de Haute Couture misent à la disposition du public et nous plongeant avec délice dans l’histoire de la maison Dior !

A.


Miss Dior au Grand Palais à découvrir jusqu’au 25 novembre !

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