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jeudi 13 juin 2013

KEITH HARING - The Political Line - 19 avril – 18 août 2013



Evènement artistique de ce printemps, le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, consacre une rétrospective de grande envergure (près de 250 oeuvres réalisées sur toile, sur bâche ou dans le métro) à l’artiste américain Keith Haring (1958 – 1990), mettant en avant l’importance de son œuvre ayant profondément marquée l’art de la fin des années 80 et la fin du 20ème siècle, en mettant plus particulièrement l’accent sur la nature profondément « politique » de sa démarche tout au long de sa carrière. Style  incomparable se rapprochant d’une certaine figuration naïve, répertoire de signes emblématiques tel un alphabet hyéroglyphique contemporain, proche du mouvement Pop Art (ami d’Andy Warhol et de Jean-Michel Basquiat) et de la contre culture New-Yorkaise, Keith Haring fut l’un des artistes les plus célébrés, mais aussi les plus décriés de son époque.

© Keint Haring - The Political Line 


Virtuose du dessin, qu’il pratiquait depuis l’enfance, issu d’un environnement familial créatif (père dessinant entre autre des bandes dessinées), Keith Haring a étudié à la School of Visual Arts de New York, la sémiotique et l’importance du signe dans les sciences du langue non verbal et comprit très rapidement l’impact que pouvait avoir un symbole. Génie de la ligne, travailleur incessant et rapide, capable de réaliser des œuvres monumentales en moins d’une journée, et sans jamais corriger ses traits, il a énormément produit, utilisant de multiples supports subversifs (notamment la toile de bâche pour son aspect pauvre, loin de la noblesse qu’il considérait comme surfaite d’une toile vierge) pour véhiculer ses messages et ses idées politiques.


© Keint Haring - The Political Line 

Utilisant délibérément la rue et les espaces publics pour s’adresser au plus grand nombre, il n’a cessé de lutter tout au long de sa vie, contre les diktats d’une société conservatrice et ultra capitaliste dans laquelle il ne se reconnaissait pas. Décriant entre autre le racisme, la menace de guerre atomique, la destruction de l’environnement, l’homophobie et à la fin de sa vie l’épidémie du sida dont il décède, comme une partie importante de la communauté arty New-Yorkaise des années 80, non sans avoir créé une fondation caritative au profit de la lutte contre la maladie.  

Le parcours de l’exposition, organisé de manière thématique et chronologique, débute par l’accrochage de ses premiers travaux et rend compte de ses prises de position critiques envers la société.

L’individu contre l’État

Dès ses premières oeuvres Keith Haring s’interesse et s’oppose au pouvoir Etatique et défend l’individualité et la liberté de chacun. Chiens aboyant, personnages déchiquetés par des mains géantes, robots marquant ses victimes d’une croix, Haring dénonce à travers certaines de ses oeuvres les groupes stéréotypés et classifiés par l’Etat, et dénonce aussi les êtres qui oublient leur propre individualité.

© Keint Haring - The Political Line 

Capitalisme

Radical dans son rapport au monde consumériste, Keith Haring, dans la continuité du mouvement Pop Art, donne à voir une critique acerbe du capitalisme et de la société de consommation. Représentation de l’hégémonie des États-Unis et du Dollar roi, caricature du personnage phare de la Culture impérialiste américaine, Mickey Mouse se confond avec les traits d’Andy Warhol. La critique a pourtant ses limites car en 1986, Keith Haring ouvre un « Pop Shop » sur Broadway où tous les objets vendus (t-shirts, casquettes…) sont commercialisés à l’effigie de ses oeuvres, reprenant l’idée de l’art accessible à tous, mais sera critiqué par de nombreux spécialistes du monde de l’art qui ont vu ici sur déviance commerciale de son travail.

© Keint Haring - The Political Line 

Religion

Ayant grandi dans un milieu chrétien traditionnel, Keith Haring considère avec beaucoup de recul et un esprit critique l’histoire et notamment celle de la colonisation et de la religion. Haring pensait d’ailleurs qu’ « une grande partie du mal qui se produit dans le monde est causée au nom du bien (religion, faux prophètes, artistes de pacotille, hommes politiques, businessmen…). » Dans ses dessins et peintures, des croix pénètrent les corps, se collent aux cerveaux ; Haring crée dans ses oeuvres tardives des scènes dramatiques dans lesquelles l’Église et ses dogmes sont dénoncés comme étant nocifs pour la société et l’individu. Néanmoins tout en luttant contre toutes les « religions de contrôle », Haring respecte la foi individuelle.

© Keint Haring - The Political Line 

Mass Media

Dans ses premières oeuvres Keith Haring évoque à plusieurs reprises la menace de la substitution de notre réalité par les nouvelles technologies que sont les écrans (télévision et ordinateur). Il s’inquiète par ailleurs du danger qui pèse sur la créativité et l’individualité face à l’hégémonie technologique, remplacant parfois dans ses peintures et ses dessins le cerveau, par la télévision et les écrans d’ordinateur, à l’intérieur desquels, il peint les thématiques qui le préoccupent.

© Keint Haring - The Political Line 

Racisme

Révolté par toutes les discriminations dans un monde pour lui empreint de racisme et d’oppression (colonisation, guerre du Vietnam), l’homme blanc « mauvais » représente pour Haring le pillage, l’esclavage, la cause de la pauvreté. Dès son arrivée à New York il est fasciné par la diversité des populations, il rencontre et fréquente des minorités qui l’attirent et desquelles il se sent proche. Tout au long de sa carrière Haring s’est ainsi attaqué aux problématiques sociopolitiques et a produit un art fortement engagé. En 1985 à la manifestation contre l'apartheid dans Central Park, il a d’ailleurs fait imprimer en 20 000 exemplaires un poster Free South Africa qu’il distribue lui même.

© Keint Haring - The Political Line 

Dernières oeuvres. Sexe, sida et mort

Lorsqu’il arrive à New York pour étudier, Haring assume pleinement son homosexualité et vit une sexualité débridée qui transparaît dans ses oeuvres où le sexe a une part très importante. Lorsque le virus du sida se propage dans les années 80, la lutte contre cette maladie deviendra sa bataille la plus personnelle ; dès 1985, la thématique du sida apparaît, comme dans son autoportrait aux pois rouges. Il s’engage en réalisant des affiches en faveur de rapports sexuels protégés, afin d’informer sur cette épidémie. Il personnifie le virus sous la forme d’un énorme spermatozoïde à cornes dans une série de dessins et de peintures. Touché lui-même par le virus (il apprend qu’il est contaminé en 1988), il décède le 16 février 1990 à New York.

© Keint Haring - The Political Line 

Pour finaliser en grand le parcours artistique riche et passionnant de Keith Haring, direction le CENTQUATRE pour découvrir les oeuvres grand format de l’artiste – bâches et peintures XL sur les thèmes de la religion, de la menace nucléraire et du Sida mais aussi plusieurs sculptures monumentales comme Head Through Belly et King and Queen – ou encore la pièce monumentale des Dix Commandements (dix panneaux de sept mètres de haut) fait l’objet d’un accrochage spectaculaire.  Enfin, dernière étape obligé, la reconstitution du Pop Shop original réalisé dans un container à Tokyo en 1988. Immanquable !

Passionné par la vitalité et la force de l’être humain, Keith Haring développe au fil de son travail un alphabet artistique qui lui est propre et dont les codes ont traversés les décennies, véhiculant des idées toujours en grande partie d’actualité. Ses « subway drawings » réalisés dans le métro qui l’ont rapidement fait connaître à une époque ou le « Street Art » ne portait pas encore son nom où les graffitis étaient considerés commes une violation de la loi ; ses peintures, ses dessins et sculptures, sont encore de nos jours porteurs de messages fort de justice sociale, de liberté individuelle et de changement. Icône du Pop art, artiste subversif et militant, Keith Haring a multiplié les engagements tout au long de sa vie, animé par une envie de transformer le monde de façon positive vers plus de liberté et d’égalité pour tous.

A.

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